lundi 2 décembre 2013

Intermède-photos: Dobromirka


Un chat sans yeux, puis un chien à trois pattes, puis un autre chat à trois pattes et un autre chien fou comme de la marde. 4 chevaux...

      et une famille adorable et
      (comme vous pouvez le constater)... photogénique.

Quand Sky gambade, il a des couettes dans les airs.
 À tous les jours, on va reconduire les chevaux dans le pré.  On part tous en famille, les 4 chevaux, les deux chiens (les chats eux gardent la maison), Sky sur le dos de la plus docile jument, moi qui suit avec ma caméra.
 
"Je suis un zombie!"   Aaaaahhhhhh....

"Allez, attrapes!" 

Qui des deux a la plus belle robe grise?

Bulle.

Sur le versant ensoleillé.

L'important c'est que tous les trois regardent dans la même direction.

L'Univers de Sky.




Compagnons de liberté.

Freedom!

Passer du temps avec son enfant.









samedi 23 novembre 2013

Intermède-photos: Graham et ses cinq chiens

Ok. Sans photo de Graham et seulement 3 chiens en vedette.  On peut pas tous être photogénique.  ;-)

Petit Claude.








dimanche 10 novembre 2013

De Makedonia à ... euh ... où suis-je? ...




                       (1e jour) les-montagnes-de-rila-du-monastere-de.html

                       (2e jour) les-montagnes-de-rila-de-ribni-ezera


(3e jour)

Je traine de la patte, en matinée.  Je suis en panne d'énergie et de motivation et je prends une mini-pause à tous les 20 pas.  Je m'appuie le menton sur mon bâton de pèlerine que j'ai trouvé à Makedonia et je regarde le paysage une trentaine de secondes avant de me remettre à marcher en soupirant.  La première heure de la journée est pénible.  Je suis découragée d'avoir à marcher toute la journée.  J'aimerais être déjà rendue.  Mais je suis seule dans la montagne et je n'ai pas vraiment le choix d'avancer.   Marche ou crève!

Après une heure de marche, j'arrive à un croisement.  Il y a un panneau indicateur, mais il est tombé par terre.  Ah, c'est pratique!!  Comment faire maintenant pour savoir où je vais?  Je ne prends même pas la peine de le ramasser.  Je décide de continuer tout droit.  Je retrouve mes balises jaunes.  J'imagine donc que je suis dans la bonne direction.

Plus tard, je me dis que j'aurais quand même dû essayer de le soulever et de diriger Makedonia dans la direction d'où je venais.  Ça m'aurait donné les autres directions.  Parfois, j'ai de très bonnes idées.  Elles viennent juste un peu trop tard.

Tant pis, je continue d'avancer.   Et le courage finit par me revenir de façon naturelle et, avec ça, une vitesse de croisière relativement convenable.  Je prends des pauses, mais sans exagérer.  J'ai quand même un horaire à respecter.  Je dois être au monastère avant la tombée de la nuit (17h20).


Quand même en fin d'après-midi, je me dis que je dois commencer à approcher.  Chaque fois que j'arrive en haut d'une colline ou d'un vallon, j'espère voir le monastère, mais tout ce que je vois, c'est une autre colline ou un autre vallon à descendre et à remonter. 

À 16h40, je commence à m'inquiéter.  Je suis partie tôt, ce matin et je devrais déjà être arrivée.   En plus, je manque d'eau.  J'ai rempli ma gourde à Makedonia, mais ça fait longtemps que j'ai tout bu et je n'ai pas trouvé d'autre source d'eau sur le chemin.

17h00, je sais maintenant que je vais devoir bivouaquer, mais quelque chose me dit d'avancer encore un peu plus.  Ce n'est plus l'espoir d'arriver avant le coucher du soleil, mais j'ai juste un pré-sentiment qu'il y a quelque chose pour moi au sommet du prochain vallon...  une surprise, peut-être!

Et, soudain, la vallée immense s'étend devant moi.  Au loin, je vois des villages et des villes.  Ils sont tous beaucoup trop loin pour être atteints avant la tombée de la nuit, mais au moins je sais que je ne suis pas perdue.  Demain, je n'aurai qu'à descendre.  Ce sera mon maigre réconfort pour la nuit.

En attendant, je dois dormir dehors et j'ai un peu peur du froid.

Tout le monde sait que j'adore dormir à la belle étoile.  Je suis du genre à monter ma tente et dormir à côté.

Mais au mois de novembre, en montagnes!!!!  Brrrrrr...

Je mets toute ma bouffe dans ma housse de sleeping bag et je vais l'accrocher dans un arbre plus loin.  J'ai pas envie qu'un sanglier vienne voir ce que j'ai de bon à bouffer.  C'est surtout le fromage qui m'inquiète. Tout à coup qu'il préfère la viande!  Euh, la viande, c'est moi!  Ahhhhhhhh!!!!

Bon, arrêtons de penser à ça.  Je sors mon attirail.  J'ai mon sleeping bag et mes deux couvertures.  Je trouve deux grosses branches de sapin déjà coupées.  Je les dispose avec mon parapluie ouvert pour me faire un abri anti-vent. Et je mets TOUS mes vêtements.  J'ai deux paires de gros bas de laine.  J'ai deux paires de combines avec mes pantalons.  J'ai un t-shirt, une chemise, deux chandails de laine et mon manteau North Face.  Je mets tout, ainsi que mes deux capuchons et je m'installe dans mes couvertures.  Il ne me reste que mon sac-à-dos rempli d'objets durs (caméra, bouteille d'eau) en guise d'oreiller, mais c'est mieux que rien.  Pour l'instant, je n'ai pas froid, mais la nuit va venir vite et je veux être prête.  Si je suis chanceuse, il va faire la même température qu'hier.  Je me souviens que j'ai fait du feu pour rien à Makedonia. 

Au-dessus de moi, le ciel allume ses étoiles une par une.  Ça promet un beau spectacle.  Dans la vallée, en bas, les villes s'illuminent aussi.  Je me demande si c'est pas le monastère que je vois sur ma droite.

Je me demande ce que je devrais faire si j'ai la visite d'un sanglier.  Courir?  Impossible de sortir rapidement de mes couvertures.  Il a le temps de me manger avant.  Je pense que je devrais me mettre en boule dans mon sac de couchage et faire la morte.  Ma deuxième option serait d'essayer de lui faire peur avec ma grosse voix autoritaire.  Ça marche souvent avec les chiens, mais avec un sanglier...  pas sûre.

Bref, la fatigue m'emporte et je m'endors.

Encore une fois, c'est beaucoup moins pire que ce que je pensais.  Le froid est soutenable.  Je me réveille quelques fois la nuit pour changer de côté (toujours toute une histoire pour que toutes mes couvertures suivent le coup) et masser quelques membres refroidis, mais ça ne m'empêche pas de dormir.  Une de mes couverture est chaude, mais aérée.  Elle me permet de protéger mon visage du froid tout en me laissant respirer de l'air frais.  Pour être franche, je suis au paradis.

De plus, aucun sanglier n'est venu voir qui j'étais, je trouve que c'est une très bonne nouvelle.

Au petit matin, je regarde le ciel se teinter de bleu et de rose, puis je me lève.  Pas très loin de moi, il y a des petites patchs de neige que je n'avais pas remarquées la veille.  A-t-il vraiment fait si froid?

Peu importe!  Non seulement, j'ai survécu, mais je suis dans une forme extraordinaire.




Je ne tarde pas à me mettre en marche avec beaucoup plus d'énergie que la veille.

Le plan de départ est simple et facile.  La vallée est droit devant.  Je vais descendre (tout droit devant) jusqu'au premier village rencontré et trouver un guichet bancaire et un autobus.  Rien de plus facile.

Mais les sentiers de montagnes ne sont jamais en ligne droite.  Celui-ci bifurque vers la droite.  Et à la première intersection, même si toute ma raison me dit que la vallée est droit devant ou, du moins, vers la gauche pour ré-équilibrer le tir.  C'est vers la droite que mon instinct veut aller.

J'hésite un peu, mais l'expérience m'a appris que mon instinct a plus souvent raison que la logique.  Je décide donc de tourner à droite.   Bonne décision!

Ça ne fait même pas une demi-heure que j'ai levé le camp et j'arrive à une fermette de montagne.

Merveilleux!  J'ai besoin d'eau et de direction.  Et je rêve d'un café et peut-être même à déjeuner.

Je cogne.  C'est une femme dans la cinquantaine qui me répond.  Je sais dire: "De l'eau S.V.P." en Bulgare.  Elle me fait entrer.

Ça fait maintenant 48 heures que je n'ai pas vu âme qui vive (à part quelques oiseaux de montagnes.)  Elle ne parle pas un mot d'anglais. Avec quelques photos, des cartes, du papier et un crayon, on placote pendant près d'une heure et demie.  Elle me parle de sa famille, je lui raconte mon voyage.

Elle m'offre du café.  Elle revient avec une portion de pouding au riz et de la tarte aux oeufs.  Mmmmmhh..  Délicieux!  Des féculents, des protéines et beaucoup de sucre.  Voilà qui va me donner de l'énergie pour continuer.

Je reprends ma route, ragaillardie, avec 4 pommes dans mon sac-à-dos et ma gourde pleine d'eau.

Quelques heures plus tard, je suis arrivée en auto-stop au monastère et J'ai pris l'autobus pour Sofia.

...

C'est plus tard en regardant la carte que j'ai compris ce que j'avais fait.  Ça ne pouvait pas être le monastère que j'avais vu la veille en m'endormant.  Le monastère était déjà loin derrière moi.  Le panneau indicateur tombé, c'est là que je m'étais trompée de direction.  Au lieu de prendre le chemin vers le monastère (un jour de marche), j'avais marché toute la journée en direction de la ville de Rila (deux jours de marche).  

Je suis revenue en autobus à Sofia,  épuisée mais heureuse, avec le sentiment d'avoir accompli quelque chose de grand et d'avoir repoussé un peu plus mes propres limites.
   










samedi 9 novembre 2013

Les montagnes de Rila - de Ribni Ezera à Makedonia



Je prends la peine de vérifier avec Vladimir que le sentier pour Makedonia est celui de droite.  Et je prends à gauche.

C'est pas par esprit de contradiction, c'est juste que celui de gauche est plus évident et plus invitant.  En fait, il mène vers le deuxième lac qui entoure le refuge.  Je le sais bien, mais j'espère qu'au bout du lac, je pourrai rejoindre mon sentier facilement.

Eh bien non!

Je commence donc la matinée en faisant du hors piste.  Et me voilà qui grimpe la colline sauvage et abrupte.  L'art de se compliquer la vie.  Je rejoins mon sentier essoufflée et épuisée, à peine la journée commencée.

En plus, il a fait froid cette nuit.  En bas, près du lac, j'ai mis le pied sur une roche givrée.  J'ai fait une culbute dans les airs et je me suis "écrapoutie" sur les pierres.  Je m'en suis sortie avec une égratignure.

Et ma journée ne fait que commencer.  C'est toute une montagne qui se dresse devant moi.

Cette fois, mon sentier est balisé en rouge (plus difficile que la veille).  Et je ne tarde pas à découvrir qu'il est plus difficile que tous les sentiers rouges que j'ai fait auparavant.

Le rectangle blanc entre les deux lacs, c'est là que j'étais ce matin.  On est environ 2 heures plus tard.

Ça monte rapidement et sans répit en altitude.  Selon la carte, de Ribni Ezera (à 2200m d'altitude), je dois monter sur la crête de la montagne (à 2600m) sur une très courte distance.

Déjà, à mi-chemin, je commence à avoir la frousse.    Dans les endroits que le soleil n'a pas encore pu toucher, le givre rend les roches glissantes.  Le sentier est étroit, la pente à côté est abrupte et vertigineuse.  Si, en plus, c'est glissant, je suis dans la merde.  C'est vraiment épeurant.

À certains endroits, je préfère sortir du sentier et escalader des tas de roches sur le versant ensoleillé pour éviter le givre et la neige.  Je ne suis pas certaine que c'est beaucoup plus prudent et en plus, ça me fait perdre mes balises de vue.  Aussitôt que je peux, je reviens vers le sentier.

Mais bientôt, ce sont mes balises qui me guide vers les tas de gros rochers et me force à ramper et grimper tout en me cramponnant aux roches.  Ce n'est pas vraiment de l'escalade.  Ce n'est pas vraiment une falaise.  Mais c'est assez près d'y ressembler.

Je commence sérieusement à me demander ce que je fais ici toute seule.  S'il m'arrive quelque chose, c'est pas sûr qu'on va me retrouver aujourd'hui.   À deux, ce serait plus prudent ou, du moins, plus rassurant.

Soudain, j'entends un grognement de cochon.  Un cochon sauvage!  Ça ne peut être qu'un sanglier.  Je l'entends, mais je ne le vois pas.  J'imagine qu'il est en bas dans la vallée.  L'écho fait que le son vient de partout et de nulle part à la fois.  (Et je vous interdis de dire que c'était le fantôme du cochon que j'avais tué la semaine d'avant!)

Là, je ré-entends la voix de ma mère qui me demande parfois:  "T'as pas peur des ours???"  "Non, Maman.  J'ai pas peur des ours.  Mais, j'ai peur des sangliers, par exemple!"

Je m'arrête sur une roche et j'hésite.

Je m'arrête ou je continue?  Stop ou Encore?

J'ai une grosse décision à prendre.

Je jette un oeil sur ce que j'ai à faire dans les prochaines étapes.  Mon sentier monte très vite et me mène vers la crête de la montagne.  Sur les premiers mètres de la crête, on a cimenté des poteaux auxquels on a installé une grosse chaine pour se soutenir dans la traversée.  Ce qui veut dire que la crête est très étroite.  On n'installe pas une chaine de soutien pour rien.  Plus loin, il n'y a plus de chaine, la crête se serait-elle élargie?  Vu d'ici, elle n'a pas l'air très très large.  Je ne sais pas de quelle partie du sentier j'ai le plus peur:  avec ou sans soutien?

Là, pour le moment, je suis assis sur un rocher.  Je reprends mon souffle et je regarde le paysage.

Revenir sur mes pas, sur le trajet jaune que j'ai fait hier?  Ennuyant et déprimant.

Aller de l'avant?  Épeurant.

Mais si je réussis... ce sera Fierté et Exaltation, c'est sûr.

Je pèse les pours et les contres.  Je ne veux pas me mettre dans une situation d'où je ne pourrais pas me sortir toute seule.  Mais, le sentier est balisé en rouge.  Il est fait pour les touristes.  Et Vladimir m'a encouragé à le faire.  En théorie, ce sentier est donc faisable.  La corde de soutien me fait peur parce qu'elle signifie que la crête serait dangereuse si la corde n'y était pas.  Mais justement, elle y est.

Le fait que je sois seule pèse aussi dans la balance.  Mais c'est pas parce qu'on est seule que les accidents arrivent.  Je suis prudente et agile.  Je peux me tenir à une corde.  Je suis probablement très capable de faire ce chemin.

Je questionne la Vie.  Que dois-je faire?

Il doit être près de 11h00.  Si je retourne sur mes pas, ai-je le temps de revenir au monastère avant la tombée de la nuit.

Je décide de laisser le sort décider pour moi.   Je vais regarder l'heure.  S'il est passé 11h00, je vais de l'avant.  S'il n'est pas encore 11h00, je reviens sur mes pas.

Je regarde l'heure: 11h20.

Fuck!



Je me relève et avec la décision, le Courage suprême me revient.   Yes I can!

Je décide de faire entièrement confiance à mes Anges Gardiens et à Moi-Même par la même occasion.  J'ai confiance en la Vie et, la Mort faisant partie de la Vie, si elle est sur mon Chemin aujourd'hui, je décide de l'accepter telle qu'elle est.   Si elle n'y est pas, Moi et mes Anges, nous saurons poser mes pieds de façon sécuritaire.

Je grimpe avec prudence, mais assurance.  Je n'ai plus peur.  J'arrive au moment où je dois attraper la corde de métal.  C'est moins pire que je l'avais imaginé.  La crête est étroite et très inégale, mais les rochers sont solides et la corde est là pour m'aider.  

Comme je l'avais prévu, quand la corde n'y est plus, c'est qu'elle n'est plus nécessaire.  La crête fait alors au moins un mètre de large.  C'est impressionnant, mais pas dangereux.  Je suis capable de me tenir debout sur un mètre de rochers.  J'avance prudemment.  Je prends le temps d'apprécier le paysage et je bénis tous les êtres humains qui ont balisé mon chemin et aussi ceux qui ont installé la corde de soutien.
 


Tout au bout de la crête, la montagne s'élargit et un peu de gazon me permet de m'étendre par terre et de savourer ma réussite.  Ici, un amoncellement de pierres témoignent de la fierté de tous les autres randonneurs qui m'ont précédée et leur gratitude d'être encore en Vie.   Je ramasse une pierre qui me représente et ajoute ma touche personnelle à la sculpture.





Le reste de la journée sera une séquence interminable de descentes et de remontées.  De haut en bas et de bas en haut, j'avance vers Makedonia.  Le trajet devait durer 6 heures.  J'en ai mis 8.

J'arrive en fin de journée, épuisée.

Makedonia


À Makedonia, il n'y a personne.  Pas de responsable, pas d'autres randonneurs.  Il n'y a même pas d'électricité.  Je monte à l'étage et trouve un énorme dortoir avec un petit poêle à combustion lente.   Je prends le premier lit à côté du poêle et je me fais un petit feu.  Il ne fait pas vraiment froid mais le feu va me tenir compagnie.

Cette nuit-là ne m'aura rien coûter.  Voilà!  Mes problèmes financiers sont réglés!
Comme Vladimir l'avait si bien dit: "Peut-être qu'il n'y aura pas de problèmes."  Ah ah!

Et j'ai réussi!  J'ai relevé mon défi.  Je suis très fière de moi!

Au petit matin, je suis toujours seule et encore fatiguée de la veille.

Sur une nouvelle carte, je remarque maintenant un nouveau trajet qui va directement de Makedonia jusqu'au monastère.  Ça me sauve une autre nuit en montagne.  C'est un sentier jaune, donc un peu plus facile que la veille.

Ça fait mon affaire parce que, ce matin, je suis TRÈS fatiguée.  J'ai deux journées de randonnées  dans le corps et je n'ai plus vraiment le gout d'avancer.

Ah! si je pouvais me "caller" un taxi pour revenir, ce matin, je le ferais.

...

vendredi 8 novembre 2013

Les montagnes de Rila - du monastère de Rila à Ribni Ezera


Il fait beau.  On annonce de la température formidable pendant une semaine encore et après... ce sera l'hiver.

C'est le temps ou jamais pour aller dans les montagnes de Rila!  J'aimerais bien y passer 3 ou 4 jours.

Je laisse mon gros sac-à-dos à l'auberge de Sofia. Je ne prends que mon petit, mais il déborde littéralement.  J'ai deux couvertures minces mais chaudes, roulées et "strappées" de chaque côté.  J'ai aussi mon sac de couchage à l'intérieur et le plus de vêtements chauds possible.  Avant de partir, je fais quelques provisions:  des noix, des raisins secs, un bloc de fromage et une demi-baguette de pain.

J'ai regardé la météo sur internet.  On annonce beau et ensoleillé pour plusieurs jours.  Il fera 0 en haut et 18 degré Celsius en bas de la montagne.  Le coucher de soleil sera à 17h20.

Mon point de départ est le monastère de Rila. 

Je prévoyais passer la première nuit au monastère, mais c'est plein.  Ça m'oblige à prendre une chambre d'hôtel (deux fois plus cher) et je me rends compte que je suis partie avec très peu d'argent liquide.  J'ai bien ma carte de guichet, mais dans les montagnes, c'est pas très utile.  Qu'à cela ne tienne, au petit matin, je pars.

Ma première étape sera un refuge de montagne qui s'appelle Ribni Ezera. C'est tout près des sept lacs.  Toute la journée, je suivrai un sentier balisé en jaune.  Si le code de couleur est le même qu'en Autriche, ça va comme suit:

  •     Vert:  C'est les sentiers de "matante", avec très peu de dénivellation et sur une chaussée sinon asphaltée, peut-être en fin gravier.  Ça peut se faire en gougounes (flip flop).
  •     Jaune:  Une dénivellation quand même assez douce, une chaussée relativement uniforme, peut être parsemée de plus grosses pierres souvent évitables.  Un soulier de marche est quand même recommandée.  
  •     Rouge:  Beaucoup plus sportif.  La dénivellation est marquée et le sentier, accidenté, peut présenter divers obstacles.  On peut avoir à enjamber de grosses roches.  Une bonne bottine de randonnée qui tient bien la cheville est recommandée.
  •     Bleu:  On oublie ça.  Il peut y avoir des tronçons dangereux. On ne s'embarque pas là-dedans sans être accompagné d'un guide de montagne.  On peut avoir besoin d'équipement d'escalade.

 

La montée.


Mon sentier est donc assez facile (moi, les sentiers verts, ça m'endort, j'prends jamais ça).  Il monte en pente douce et constante et forme un demi-ovale (comme la paupière supérieure d'un oeil) sur la carte. 

Il fait beau.  Je monte tranquillement mais sûrement en altitude et mon seul souci, c'est de décider quel trajet de retour je ferai demain.  Mon intention première était de passer 3 ou 4 jours en montagnes, mais je réfléchis en paresseuse et pense retourner direct au monastère demain.



Sur la carte, j'ai vu qu'il y a un sentier "pointillé noir" qui forme une autre demi-courbe (comme la paupière inférieure de l'oeil).  Ainsi je ferais une boucle complète (en forme d'oeil), je dormirais au monastère en revenant.  J'aurais passé 4 nuits là-bas, 2 jours en montagnes.  Ce serait pas pire, que je me dis. 

Sauf que, le hic, c'est que les sentiers "pointillés noir" sont NON-BALISÉS.  C'est dangereux de s'y perdre.  En plus, il semble suivre la crête d'une montagne et je ne connais pas le niveau de difficulté.  Ce pourrait tout aussi bien être l'équivalent d'un sentier bleu.  Je m'informerai au refuge.


Je questionne sérieusement l'utilité de tout le bric-à-brac que je traine.  Mon sac est lourd sur mes épaules.  S'il continue à faire beau comme ça, ai-je besoin d'autant de vêtements chauds?  Si je ne reste que 2 jours en montagnes, ai-je vraiment besoin de tous ces raisins secs?  Et surtout:  si les refuges fournissent des lits et couvertures, ai-je vraiment besoin de trainer les miennes?

Il y a deux raisons pour lesquelles, j'ai pris mes couvertures avec moi.  La première, c'est ma mère.  Elle m'a appris le dédain.  J'essaie de me débarrasser de cette manie, j'y arrive parfois.  Mais j'ai toujours cette crainte de dormir dans des couvertures sales.  Bon, ça fait deux mois que je n'ai pas lavé mes couvertures, mais, ça, c'est ma crasse à moi.  Ça compte pas.

La deuxième, c'est par prudence.  On est en novembre, en haute montagne et en basse saison.  Si je me perds et je me vois obligée de dormir dehors, ces couvertures-là peuvent me sauver la vie.  Même chose pour mon parapluie que j'ai apporté, même si la météo annonce du temps splendide.  Il est léger et solide et peu faire un formidable coupe-vent.


Malgré tout,  une part de moi se demande si je ne traine pas mon malheur avec moi.  Trop de prudence est parfois synonyme de manque de confiance.  La Vie me fera-t-elle avoir raison en me donnant l'occasion de dormir dehors et d'utiliser tout mon tralala?  Ça reste à voir.


Le refuge est formé de plusieurs bâtiments décrépis pris en sandwich entre deux lacs magnifiques.

 

Au refuge.


J'arrive à Ribni Ezera environ une heure avant le coucher du soleil. 

Il n'y a personne à mon arrivée.  Tout est ouvert sauf quelques pièces au rez-de-chaussée.  En basse saison, les refuges de montagne sont souvent laissés ouverts pour les randonneurs.  Ça m'intimide de monter à l'étage, mais il y a des petits chalets à l'extérieur qui sont remplis de lits, de couvertures et d'oreillers.  Je choisis un lit et m'installe pour la nuit. 

Il commence à faire froid.  Je mets presque tous mes vêtements.  Si j'ai froid pendant la nuit, il y a deux couvertures de laines sur chaque lit.  Je peux m'ensevelir sous une grosse pile de couvertures si je veux.  Ça ne me fait pas peur.

Je sors profiter des quelques instants de clarté.  Dans la cour, deux chevaux sont apparus, encore scellés et attachés à un poteau.  Des gens sont arrivés et d'autres arrivent au loin.  En tout, trois hommes et quatre chevaux.  Je suis un peu méfiante.  J'avais espéré passer la nuit seule, mais je n'ai plus le choix, je m'adresse au premier homme (dans la soixantaine).  Je lui demande s'il est en charge de l'auberge..  "oui".  Je lui dis que je me suis installée dans un chalet.  Il me fait signe de m'installer dans le refuge sinon je vais avoir froid.  Je ne réponds pas et j'hésite encore.  Je retourne à mon chalet.  Je les laisse arriver et décharger leur affaires.  Les deux autres hommes semblent être ses fils.

Quelques minutes plus tard, le père revient me chercher et m'invite à le suivre.  Il me fait visiter une chambre où il a installé un petit chauffage électrique.  Il commence déjà à faire chaud.  J'avoue que je serais mieux ici.  Et de toute façon, avec ou sans chauffage, ça va me couter 15 levs pour la nuit.  Je retourne chercher mes affaires et déménage.

Je rencontre un des fils.  Il est à peu près de mon âge. La première chose que je remarque de lui est la douceur et la bienveillance dans son regard.  Dans un très mauvais anglais, il m'invite à venir partager leur repas quand je serai installée.

Je ne sais pas si j'ai l'énergie pour communiquer en langage international, ce soir, mais j'imagine qu'il va falloir que je la trouve.

La chose qui m'intéresse le plus dans l'auberge, c'est la carte.  Je découvre des sentiers que je n'avais pas encore remarqués.  Mon horizon s'élargit et de nouvelles possibilités s'ouvrent à moi.  Il y a un sentier ROUGE qui part de Ribni Ezera et se rend à Makedonia.  De Makedonia, il y a encore deux autres jours de marche pour retourner à la ville de Rila où je peux prendre un autobus pour revenir à Sofia.

Ce trajet-là m'intéresse.  Je n'ai qu'un seul problème:  il ne me reste que 22 levs en argent liquide.  Si chaque hébergement me coute 15 levs et le prochain guichet est à Rila, je risque de passer une nuit dehors.

Un des frères est parti.  Je soupe avec Vladimir et son père, ce soir.  Ma première impression était bonne, Vladimir est très gentil.  En plus, il est beau.  (Je peux-tu passer la semaine ici?  ;-)  Je regarde son alliance et fais une grimace intérieure.  Son père est un peu rustre dans ses manières, mais tout aussi gentil.  Le père connait deux mots en Allemand:  "sehr gut".  Vladimir parle un peu l'Italien.  On complète avec l'anglais et mes quelques mots de Bulgare.

Je lui demande pour le sentier en pointillé noir.  Il me fait une grimace douteuse.  Je savais bien que c'était pas une très bonne idée.  Par contre, il m'encourage à prendre le chemin pour Makedonia.  J'hésite encore à cause de mon problème d'argent liquide.

Vladimir hausse les épaules:  "Peut-être qu'il n'y aura pas de problèmes."  me dit-il avec un sourire.

Il a tellement raison.  

Je m'inquiète pour l'argent.   Pouhahahahaha!   :-D   En y repensant, je suis morte de rire. 
Si au moins je savais ce qui m'attendait!

L'argent, c'est le plus petit de nos problèmes!   Le Bonheur réside dans le dépassement de soi.  Vous croyez que vous avec besoin d'argent pour vivre?  Vous croyez qu'on a été mis sur la Terre pour avoir de l'argent, des grosses maisons, des gros chars, et des télévisions? 

La Vie n'est pas un jeu de Monopoly et ce n'est pas le plus riche à la fin qui gagne. 

Et pour se dépasser, mieux vaut ne pas avoir la facilité de l'argent.  Un des premiers chemins du Bonheur, à mon avis, est le renoncement.  "Je renonce à tout ce que je possède."  Voilà qui est difficile à dire.  Et pourtant!  Renoncer, c'est aussi se Libérer.

Vue de ma chambre, au petit matin.
  

8h30 du matin, je prends la direction de Makedonia.

(Et là, le fun commence.)





mercredi 6 novembre 2013

Intermède photos - Going the shepherd's way

Pour me faire pardonner la violence de mon dernier article, j'ai pensé vous offrir mes plus belles séries de photos.  

Être berger est un drôle de métier qu'on connait très mal dans nos pays modernisé.  Par curiosité, moi et un autre volontaire à Ovchi Kladenets, on a décidé de suivre le berger du village un beau matin pour savoir où il allait et ce qu'il faisait.  

Tel un chauffeur d'autobus scolaire, il traverse le village à pied en soufflant dans son sifflet pour que les gens du village fasse sortir leurs chèvres et leurs moutons.  Une brebis ici, deux chevreaux là, il fait sa petite "run" d'autobus jusqu'à ce qu'il ait tout son petit monde et se dirige enfin vers les prairie florissante.

Bjorge et moi, on a embarqué dans le troupeau et on a suivi comme des moutons.  D'abord surpris, le sympathique berger qui parlait d'ailleurs un peu d'anglais (et dire qu'on croit toujours à tort que les bergers ont peu d'éducation!)  nous a accueilli dans son travail.  

Un joli brouillard est tombé, jetant une lumière formidable sur la prairie.  Les deux garçons ont placoté tout le long du trajet pendant que, moi, je trippais derrière ma caméra.  

Voici le résultat:

Chien de berger.

Changez de côté!  Vous vous êtes trompés!

Brebis égarée?

Concert to a shepherd I

Concert to a shepherd II

Chèvre songeuse.

Le lac qui ressemblait à la mer.

Chèvre qui pense ne suit pas toujours le troupeau!

Fleur bleue.

Du volontariat? Bien volontiers!


Bon! J'ai pris un peu de retard dans mon blog, dû au fait que c'est difficile de vivre des expériences et de les écrire en même temps.  Comme il n'y a pas assez de temps pour faire les deux, j'ai décidé de vivre beaucoup et d'écrire un peu plus vite.

C'est pourquoi, je ne vous raconterai pas comment Raoul et moi on s'est fait deux autres amis français à Stara Zagora.  Je ne vous raconterai pas non plus comment on a fait la fête autour de la fontaine jusqu'aux petites heures du matin, comment des amis bulgares se sont joints à nous et comment la police est venue nous demander de chanter plus bas ou, en tous cas, plus loin.

Je ne vous raconterai surtout pas que Raoul s'est réveillé le lendemain avec un mal de cheveux et a dit "never again" pratiquement toute la journée et je n'oserai même pas vous dire que le "never" en question n'a même pas duré 3 jours.  Mais, comme il dit si bien pour sa défense, quand il disait "never again", il faisait référence à "boire de façon démesurée" et non pas "boire" tout court.  Voilà qui est bien sage!  ;-)

Comme je ne vous raconterai rien de ça, j'irai droit au but:  Je fais du volontariat.

Le volontariat?  Mais qu'est-ce que c'est?  me demanderez-vous.  Et bien, voilà.. J'offre mon aide à des gens qui sont prêts à m'accueillir, me loger et me nourrir pendant quelques temps.  Luna Dolina fut le premier de mes hôtes.  Depuis ce temps (un mois et demi déjà depuis Luna Dolina), j'en ai eu quatre autres.  Je reste une semaine chez un, deux semaines chez l'autre, dépendamment des situations.  Je vagabonde d'hôte en hôte dans le plus profond de la campagne bulgare et je travaille gratuitement pour une bouchée de pain et un peu d'amitié.

Pour ceux que ça intéresse, je fais partie de deux réseaux:  www.helpx.net  et www.workaway.info
Inutile de faire partie des deux.  Il suffit d'en choisir un seul et c'est bien suffisant.  De mémoire, il vous en coutera 20 à 25$ pour vous abonner et pouvoir contacter les hôtes potentiels dans tous les pays du monde.  Ceux qui connaissent le wwoof diront que c'est presque pareil.  Oui mais, le wwoof (Willing Worker On Organic Farm), c'est uniquement sur des fermes biologiques et on doit s'abonner à une liste pour chaque pays.  Mes réseaux s'étendent à beaucoup plus que des fermes, on y retrouve des familles et des entreprises de tous genres, des auberges, par exemple, et même des festivals de musique.

En Bulgarie, assez bizarrement, les hôtes ne sont pas Bulgares, mais... Anglais.  Ce qui s'explique par le fait que les Bulgares ne connaissent pas encore très bien ce nouveau système d'échange, alors que les Anglais, eux, en ont été les précurseurs.

Parallèlement la présence de tant de Britanniques en Bulgarie s'explique par deux phénomènes.  D'abord les coûts immobiliers qui sont exorbitants en Angleterre, alors qu'en Bulgarie on peut acheter une maison pour trois fois rien.  Mais aussi par le besoin de certaines personnes de revenir à un mode de vie plus modeste et l'impossibilité de le faire dans nos pays trop modernisés.

C'est donc dire que jusqu'à présent, mes hôtes sont presque tous Britanniques et en voie vers l'auto-suffisance.  La plupart sont partis d'Angleterre avec des idées plein la tête, mais aucune expérience de ce qu'ils allaient faire.  Ils ont tout appris dans les livres et sur Internet:  Comment jardiner, comment élever des poules et un cochon, comment conserver la nourriture que l'on produit, etc.

Certains de mes hôtes en sont à leur première année dans cette grande aventure, d'autres à leur cinquième.  Ils sont rendus à différents degrés dans leur évolution, expérience et accomplissements, mais ils ont tous quelque chose en commun:  Ils avancent tous à tâtons vers l'inconnu.


Un mode de vie plus simple, ça veut généralement dire:  une toilette de jardin ou à compost.  En Bulgarie, la toilette de jardin est généralement une toilette turque installée au dessus d'un grand trou dans le jardin. Le trou et la toilette sont déménagés une fois tous les deux ans.  La toilette à compost est un seau caché par une boite sur laquelle on installe souvent un siège de toilette moderne (pour plus de confort).  À côté du seau, un sac de brin de scie ou de paille coupée.  On en jette une poignée sur nos pipis-cacas.  En voilà!  Ça sent le brin de scie.  Quand le seau est plein, on le vide sur le tas de compost dans le jardin. 

En tant que volontaire, j'accepte de vivre de la même façon que mes hôtes, je m'adapte à leur rythme de vie et j'essaie de m'impliquer dans la vie de famille (aider dans la cuisine, jouer avec les enfants quand il y en a, etc.)  De leur côté, ils me traitent comme une amie, un nouveau membre de la famille.  La plupart sont généreux et reconnaissants de l'aide qu'on leur apporte.

Les tâches sont variées.  À Ovchi Kladenets, comme c'était le temps des récoltes, j'ai surtout récolté...  des poires, des raisins, des noix et des patates.  Raoul a aussi peint une jolie murale sur leur porte de garage.  Comme la ferme s'appelle The Frog Shadow farm, il devait y avoir obligatoirement des grenouilles.   Comme c'est Raoul qui peignait, il fallait s'attendre à y voir de la musique.  Des grenouilles qui jouent de l'accordéon, qui fument et qui boivent de la Rakia.   Ça, c'est du "Never Again Raoul" comme je l'aime!  :-)


Ensuite, j'ai aidé une jeune famille (avec un bébé d'un an et trois mois) à peinturer les murs de leur future maison et à faire le grand ménage d'automne dans leur maison d'été.

Chez une végétalienne adepte de la permaculture, j'ai fait des pommes séchées et du cidre, j'ai planté de l'ail, j'ai isolé un compteur d'eau avec des sacs de paille, etc.

Et juste après la végétalienne, j'ai... euh...  avant d'expliquer ce que j'ai fait chez mon dernier hôte, j'aimerais ouvrir une ou deux parenthèses.

(À chacun de mes voyages, ma motivation principale est mon évolution personnelle.  J'essaie de trouver mes propres limites et de les dépasser, les repousser.  J'essaie de devenir une personne de plus en plus forte et solide.  Bref, je me lance des défis et j'essaie de les relever.  Il y a quelques années, je n'osais pas regarder la mort en face.  Je me souviens d'un accident, un petit chien en train de mourir et mon amie qui le caressait en l'accompagnant dans la mort et moi qui n'arrivait pas à m'en approcher.  Je me souviens aussi d'avoir habité sur une ferme-boucherie pendant plusieurs mois et ne pas pouvoir approcher les demi-carcasses de cochon dans les frigos.)

Bref, quand j'ai contacté ces gens en leur demandant s'ils avaient besoin d'aide, voici ce qu'ils m'ont répondu:  "Nous avons un cochon à abattre et il faut faire de la saucisse.  Comment te sens-tu avec ça?"  Sans hésiter, j'ai répondu:  "Ça va me briser le coeur de tuer un cochon, mais je vais vous aider ."

Deuxième parenthèse:  (Depuis quelques années déjà, je suis semi-végétarienne.  Je mange beaucoup plus de noix, d'amandes, de fèves et de pois chiches et de moins en moins de viande.  Je n'aspire pas à devenir complètement végétarienne.  J'aime bien accompagner les gens dans leurs repas de viande sans restrictions.  De plus, j'aspire, un jour, à vivre sur une ferme auto-suffisante sur laquelle, j'espère, il y aura des animaux.  Mes deuxièmes et troisièmes motivations viennent donc du fait que, si je veux continuer à manger de la viande, je dois savoir ce que ça implique.

J'ai vu récemment un reportage québécois: Une caméra cachée dans un marché de Montréal, un producteur offrait de la bonne viande fraiche de lapin emballé sous vide.  Et, si on voulait de la viande encore plus fraiche, il s'offrait de tuer sous vos yeux le joli petit lapin blanc dans la cage à côté de lui.  Presque tout le monde refusait avec dégout et horreur.  Moi, je dis:  Ça suffit l'hypocrisie!!  À chaque fois qu'on mange de la viande, on tue.  Je veux vivre en étant consciente de mes actes.)

C'est pour toutes ces raisons que j'ai accepté l'invitation.

J'arrive donc la veille, juste le temps de rencontrer mes hôtes et de m'acclimater avec mon nouvel environnement. 

À peine arrivée, c'est un véritable choc culturel.  Une DOUCHE!!!  m'exclamais-je!  Ça fait longtemps que j'ai pas vu ça. Ni une toilette à l'eau, ni le micro-ondes dans la cuisine et encore moins la télé et la console de jeu dans le salon.  J'ai l'impression d'être revenue au Québec tellement ça sent la modernité.  Pour être franche, je ne me suis pas ennuyée beaucoup de tout ce confort, à part peut-être la douche.

La ferme héberge aussi 2 cochons, 3 oies, 5 poules et un coq, 3 lapins, 5 dindes, 2 chiens et 2 chats.  J'espère que j'oublie personne.  Dès le premier jour, Mel m'initie à nourrir tout ce petit monde deux fois par jour.  Je le ferai si bien qu'après l'épisode du cochon, ils n'hésiteront pas à me laisser seule à la maison pendant 24 heures avec pour seule mission de faire des fèves aux lard et des biscuits à l'avoine.  :-)

L'épisode du cochon

(Végétaliens, végétariens et coeurs sensibles, s'abstenir!)

L'idée c'était que le cochon ne souffre pas.  Tous les animaux sur cette ferme étaient très bien traités avec des habitats dans lesquels ils pouvaient bouger et se cacher comme ils voulaient.  Il est clair qu'on voulait qu'ils soient bien jusqu'à la toute fin.  On avait demandé à un professionnel (un chasseur et son fusil) de venir tuer l'animal.  Mes hôtes étaient sur un stress pas possible.  Ils tuaient leurs propres poulets et lapins depuis des années, mais un cochon!  Ils n'avaient jamais fait ça de leur vie et ça faisait des semaines qu'ils regardaient des vidéos YouTube sur le dépeçage de cochons et qu'ils "googlaient" pour apprendre à faire de la saucisse.

Très tôt, le matin, le "tueur" arrive avec un pistolet (pas vraiment un fusil de chasse).  Le plan est très simple.  Mel, doit attirer la victime hors de son enclos avec un bol de nourriture jusque dans la grange voisine spécialement aménagée pour l'abattre et le dépecer le plus vite et le plus proprement possible.  Avec des panneaux de bois, on forme un corridor pour guider l'animal.  Aussitôt entré, Mel sort, on ferme la porte et... PAN!

Ça a presque marché.

Sauf que la porte a été mal fermée, la balle a été mal tirée et ça a un peu fouaré.

J'ai vu la face de Mel dire: "What the Fuck?", j'ai vu le cochon sortir de la grange, épouvanté, une trace de balle passée bord en bord dans le gras du cou, je me suis vue faire un geste "timide" pour l'empêcher de passer, mais je vous rassure tout de suite, je me suis ravisée.

Probablement beaucoup plus paniqué par le bruit de la balle que par son égratignure, le cochon s'est enfui dans le jardin.  Ce qu'il y a de bien avec les jardins bulgares, c'est qu'ils sont tous murés, impossible d'en sortir.  Mel et moi, on a été réexpédiées à la maison, le temps que les choses se calment.  Le cochon a été "re-shooté" (avec succès cette fois) et saigné dans le jardin.  Mel pleurnichait dans la cuisine.  Et moi, ben moi, je savais pu quoi faire.

Que d'émotions!  Et on n'a pas vraiment le temps de s'en remettre parce qu'on a encore un cochon sur la planche.  Il fallait l'épiler (le départir de ses poils), l'éventrer et le vider de ses entrailles.  Ensuite vider et nettoyer les dites entrailles pour pouvoir en faire de la saucisse et... Bon!  Je vais un trop vite, là. 

Déjà, la première étape a duré 1 heure et demi et n'a pas été concluante.  C'est raide en esti des poils de porc.  Ouvrir la bestiole a été une révélation pour tout le monde.  Ça a toujours l'air plus facile sur YouTube, mais c'est tout pogné ensemble ces boyaux-là!  Après j'ai passé le reste de l'après-midi et la journée du lendemain à vider et nettoyer des intestins.  Je vous passe les détails. 


En conclusion, je pense que pour 5 débutants, on s'en est très très bien sortis et qu'on a beaucoup appris de nos erreurs.  Dans quelques semaines, ils ont leur deuxième cochon à tuer et je suis certaine que ça va beaucoup mieux aller. 

Si jamais je retourne les aider, j'ai dit que j'arriverai juste à temps pour hacher la viande et faire la saucisse.  ;-)
    
Sur ce, je m'excuse encore à tous mes amis végétariens et je vous souhaite un très bon appétit si vous mangez du porc aujourd'hui.