Bon! J'ai pris un peu de retard dans mon blog, dû au fait que c'est difficile de vivre des expériences et de les écrire en même temps. Comme il n'y a pas assez de temps pour faire les deux, j'ai décidé de vivre beaucoup et d'écrire un peu plus vite.
C'est pourquoi, je ne vous raconterai pas comment Raoul et moi on s'est fait deux autres amis français à Stara Zagora. Je ne vous raconterai pas non plus comment on a fait la fête autour de la fontaine jusqu'aux petites heures du matin, comment des amis bulgares se sont joints à nous et comment la police est venue nous demander de chanter plus bas ou, en tous cas, plus loin.
Je ne vous raconterai surtout pas que Raoul s'est réveillé le lendemain avec un mal de cheveux et a dit "never again" pratiquement toute la journée et je n'oserai même pas vous dire que le "never" en question n'a même pas duré 3 jours. Mais, comme il dit si bien pour sa défense, quand il disait "never again", il faisait référence à "boire de façon démesurée" et non pas "boire" tout court. Voilà qui est bien sage! ;-)
Comme je ne vous raconterai rien de ça, j'irai droit au but:
Je fais du volontariat.
Le volontariat? Mais qu'est-ce que c'est? me demanderez-vous. Et bien, voilà.. J'offre mon aide à des gens qui sont prêts à m'accueillir, me loger et me nourrir pendant quelques temps. Luna Dolina fut le premier de mes hôtes. Depuis ce temps (un mois et demi déjà depuis Luna Dolina), j'en ai eu quatre autres. Je reste une semaine chez un, deux semaines chez l'autre, dépendamment des situations. Je vagabonde d'hôte en hôte dans le plus profond de la campagne bulgare et je travaille gratuitement pour une bouchée de pain et un peu d'amitié.
Pour ceux que ça intéresse, je fais partie de deux réseaux: www.helpx.net et www.workaway.info
Inutile de faire partie des deux. Il suffit d'en choisir un seul et c'est bien suffisant. De mémoire, il vous en coutera 20 à 25$ pour vous abonner et pouvoir contacter les hôtes potentiels dans tous les pays du monde. Ceux qui connaissent le wwoof diront que c'est presque pareil. Oui mais, le wwoof (Willing Worker On Organic Farm), c'est uniquement sur des fermes biologiques et on doit s'abonner à une liste pour chaque pays. Mes réseaux s'étendent à beaucoup plus que des fermes, on y retrouve des familles et des entreprises de tous genres, des auberges, par exemple, et même des festivals de musique.
En Bulgarie, assez bizarrement, les hôtes ne sont pas Bulgares, mais... Anglais. Ce qui s'explique par le fait que les Bulgares ne connaissent pas encore très bien ce nouveau système d'échange, alors que les Anglais, eux, en ont été les précurseurs.
Parallèlement la présence de tant de Britanniques en Bulgarie s'explique par deux phénomènes. D'abord les coûts immobiliers qui sont exorbitants en Angleterre, alors qu'en Bulgarie on peut acheter une maison pour trois fois rien. Mais aussi par le besoin de certaines personnes de revenir à un mode de vie plus modeste et l'impossibilité de le faire dans nos pays trop modernisés.
C'est donc dire que jusqu'à présent, mes hôtes sont presque tous Britanniques et en voie vers l'auto-suffisance. La plupart sont partis d'Angleterre avec des idées plein la tête, mais aucune expérience de ce qu'ils allaient faire. Ils ont tout appris dans les livres et sur Internet: Comment jardiner, comment élever des poules et un cochon, comment conserver la nourriture que l'on produit, etc.
Certains de mes hôtes en sont à leur première année dans cette grande aventure, d'autres à leur cinquième. Ils sont rendus à différents degrés dans leur évolution, expérience et accomplissements, mais ils ont tous quelque chose en commun: Ils avancent tous à tâtons vers l'inconnu.
Un mode de vie plus simple, ça veut généralement dire: une toilette de jardin ou à compost. En Bulgarie, la toilette de jardin est généralement une toilette turque installée au dessus d'un grand trou dans le jardin. Le trou et la toilette sont déménagés une fois tous les deux ans. La toilette à compost est un seau caché par une boite sur laquelle on installe souvent un siège de toilette moderne (pour plus de confort). À côté du seau, un sac de brin de scie ou de paille coupée. On en jette une poignée sur nos pipis-cacas. En voilà! Ça sent le brin de scie. Quand le seau est plein, on le vide sur le tas de compost dans le jardin.
En tant que volontaire, j'accepte de vivre de la même façon que mes hôtes, je m'adapte à leur rythme de vie et j'essaie de m'impliquer dans la vie de famille (aider dans la cuisine, jouer avec les enfants quand il y en a, etc.) De leur côté, ils me traitent comme une amie, un nouveau membre de la famille. La plupart sont généreux et reconnaissants de l'aide qu'on leur apporte.
Les tâches sont variées. À Ovchi Kladenets, comme c'était le temps des récoltes, j'ai surtout récolté... des poires, des raisins, des noix et des patates. Raoul a aussi peint une jolie murale sur leur porte de garage. Comme la ferme s'appelle The Frog Shadow farm, il devait y avoir obligatoirement des grenouilles. Comme c'est Raoul qui peignait, il fallait s'attendre à y voir de la musique. Des grenouilles qui jouent de l'accordéon, qui fument et qui boivent de la Rakia. Ça, c'est du "Never Again Raoul" comme je l'aime! :-)
Ensuite, j'ai aidé une jeune famille (avec un bébé d'un an et trois mois) à peinturer les murs de leur future maison et à faire le grand ménage d'automne dans leur maison d'été.
Chez une végétalienne adepte de la permaculture, j'ai fait des pommes séchées et du cidre, j'ai planté de l'ail, j'ai isolé un compteur d'eau avec des sacs de paille, etc.
Et juste après la végétalienne, j'ai... euh... avant d'expliquer ce que j'ai fait chez mon dernier hôte, j'aimerais ouvrir une ou deux parenthèses.
(À chacun de mes voyages, ma motivation principale est mon évolution personnelle. J'essaie de trouver mes propres limites et de les dépasser, les repousser. J'essaie de devenir une personne de plus en plus forte et solide. Bref, je me lance des défis et j'essaie de les relever. Il y a quelques années, je n'osais pas regarder la mort en face. Je me souviens d'un accident, un petit chien en train de mourir et mon amie qui le caressait en l'accompagnant dans la mort et moi qui n'arrivait pas à m'en approcher. Je me souviens aussi d'avoir habité sur une ferme-boucherie pendant plusieurs mois et ne pas pouvoir approcher les demi-carcasses de cochon dans les frigos.)
Bref, quand j'ai contacté ces gens en leur demandant s'ils avaient besoin d'aide, voici ce qu'ils m'ont répondu: "Nous avons un cochon à abattre et il faut faire de la saucisse. Comment te sens-tu avec ça?" Sans hésiter, j'ai répondu: "Ça va me briser le coeur de tuer un cochon, mais je vais vous aider ."
Deuxième parenthèse: (Depuis quelques années déjà, je suis semi-végétarienne. Je mange beaucoup plus de noix, d'amandes, de fèves et de pois chiches et de moins en moins de viande. Je n'aspire pas à devenir complètement végétarienne. J'aime bien accompagner les gens dans leurs repas de viande sans restrictions. De plus, j'aspire, un jour, à vivre sur une ferme auto-suffisante sur laquelle, j'espère, il y aura des animaux. Mes deuxièmes et troisièmes motivations viennent donc du fait que, si je veux continuer à manger de la viande, je dois savoir ce que ça implique.
J'ai vu récemment un reportage québécois: Une caméra cachée dans un marché de Montréal, un producteur offrait de la bonne viande fraiche de lapin emballé sous vide. Et, si on voulait de la viande encore plus fraiche, il s'offrait de tuer sous vos yeux le joli petit lapin blanc dans la cage à côté de lui. Presque tout le monde refusait avec dégout et horreur. Moi, je dis: Ça suffit l'hypocrisie!! À chaque fois qu'on mange de la viande, on tue. Je veux vivre en étant consciente de mes actes.)
C'est pour toutes ces raisons que j'ai accepté l'invitation.
J'arrive donc la veille, juste le temps de rencontrer mes hôtes et de m'acclimater avec mon nouvel environnement.
À peine arrivée, c'est un véritable choc culturel. Une DOUCHE!!! m'exclamais-je! Ça fait longtemps que j'ai pas vu ça. Ni une toilette à l'eau, ni le micro-ondes dans la cuisine et encore moins la télé et la console de jeu dans le salon. J'ai l'impression d'être revenue au Québec tellement ça sent la modernité. Pour être franche, je ne me suis pas ennuyée beaucoup de tout ce confort, à part peut-être la douche.
La ferme héberge aussi 2 cochons, 3 oies, 5 poules et un coq, 3 lapins, 5 dindes, 2 chiens et 2 chats. J'espère que j'oublie personne. Dès le premier jour, Mel m'initie à nourrir tout ce petit monde deux fois par jour. Je le ferai si bien qu'après l'épisode du cochon, ils n'hésiteront pas à me laisser seule à la maison pendant 24 heures avec pour seule mission de faire des fèves aux lard et des biscuits à l'avoine. :-)
L'épisode du cochon
(Végétaliens, végétariens et coeurs sensibles, s'abstenir!)
L'idée c'était que le cochon ne souffre pas. Tous les animaux sur cette ferme étaient très bien traités avec des habitats dans lesquels ils pouvaient bouger et se cacher comme ils voulaient. Il est clair qu'on voulait qu'ils soient bien jusqu'à la toute fin. On avait demandé à un professionnel (un chasseur et son fusil) de venir tuer l'animal. Mes hôtes étaient sur un stress pas possible. Ils tuaient leurs propres poulets et lapins depuis des années, mais un cochon! Ils n'avaient jamais fait ça de leur vie et ça faisait des semaines qu'ils regardaient des vidéos YouTube sur le dépeçage de cochons et qu'ils "googlaient" pour apprendre à faire de la saucisse.
Très tôt, le matin, le "tueur" arrive avec un pistolet (pas vraiment un fusil de chasse). Le plan est très simple. Mel, doit attirer la victime hors de son enclos avec un bol de nourriture jusque dans la grange voisine spécialement aménagée pour l'abattre et le dépecer le plus vite et le plus proprement possible. Avec des panneaux de bois, on forme un corridor pour guider l'animal. Aussitôt entré, Mel sort, on ferme la porte et... PAN!
Ça a presque marché.
Sauf que la porte a été mal fermée, la balle a été mal tirée et ça a un peu fouaré.
J'ai vu la face de Mel dire: "What the Fuck?", j'ai vu le cochon sortir de la grange, épouvanté, une trace de balle passée bord en bord dans le gras du cou, je me suis vue faire un geste "timide" pour l'empêcher de passer, mais je vous rassure tout de suite, je me suis ravisée.
Probablement beaucoup plus paniqué par le bruit de la balle que par son égratignure, le cochon s'est enfui dans le jardin. Ce qu'il y a de bien avec les jardins bulgares, c'est qu'ils sont tous murés, impossible d'en sortir. Mel et moi, on a été réexpédiées à la maison, le temps que les choses se calment. Le cochon a été "re-shooté" (avec succès cette fois) et saigné dans le jardin. Mel pleurnichait dans la cuisine. Et moi, ben moi, je savais pu quoi faire.
Que d'émotions! Et on n'a pas vraiment le temps de s'en remettre parce qu'on a encore un cochon sur la planche. Il fallait l'épiler (le départir de ses poils), l'éventrer et le vider de ses entrailles. Ensuite vider et nettoyer les dites entrailles pour pouvoir en faire de la saucisse et... Bon! Je vais un trop vite, là.
Déjà, la première étape a duré 1 heure et demi et n'a pas été concluante. C'est raide en esti des poils de porc. Ouvrir la bestiole a été une révélation pour tout le monde. Ça a toujours l'air plus facile sur YouTube, mais c'est tout pogné ensemble ces boyaux-là! Après j'ai passé le reste de l'après-midi et la journée du lendemain à vider et nettoyer des intestins. Je vous passe les détails.
En conclusion, je pense que pour 5 débutants, on s'en est très très bien sortis et qu'on a beaucoup appris de nos erreurs. Dans quelques semaines, ils ont leur deuxième cochon à tuer et je suis certaine que ça va beaucoup mieux aller.
Si jamais je retourne les aider, j'ai dit que j'arriverai juste à temps pour hacher la viande et faire la saucisse. ;-)
Sur ce, je m'excuse encore à tous mes amis végétariens et je vous souhaite un très bon appétit si vous mangez du porc aujourd'hui.